CONNAISSANCE, CO-NAISSANCE

Le 01/12/2025

"L'essentiel est que l'analyste, s'il doit être en position de supposé-savoir, doit assurément refuser le savoir mais aussi et surtout se le refuser à lui-même." 

(Jean Laplanche in Nouveaux fondements de la psychanalyse.)

Le travail de l'analyste, qui confie son esprit à l'attention flottante, c'est à dire l'esprit libre - le plus possible - de la raison-raisonnante, réclame une perception fine des mouvements profonds que suscitent en lui les dires du patient. Les ressentir, avant de les penser. L'énergie qui circule entre les deux êtres ( pour le néophyte : tout ce que la théorie met sous le vocable "transfert"), n'est pas à sens unique.

Le transfert est une puissante voie de communication, d'échange, de relation, qui connaît des heures de fluidité ou d'engorgement au cours de l'analyse. Freud en son temps l'avait précisé : l'analyse, c'est avant tout l'analyse du transfert. L'analyse de la situation présente, où viennent se concentrer toutes les forces agissant par ailleurs. 

L'I.T.A. se déroule en face à face, en cela elle est psychanalyse appliquée, et non psychanalyse pure. Le face à face renforce la difficulté citée plus haut. Il implique une relation interpersonnelle, inter-subjective, marquée par la personnalité de chaque partie, qui n'est pas sans effet sur la neutralité. La psychanalyse sur le divan, analyste hors du champ de vision, ne place pas les deux parties à la même distance, sur le même niveau, ni symbolique, ni physique.

En face à face, le regard, l'apparence, l'attitude, l'expression du visage et du corps sont des éléments qui comptent autant que les mots eux-mêmes, parce que, à l'écart du conscient, ils échappent plus facilement à la vigilance des défenses. Le "comportement" du patient ou de la patiente est une donnée importante de l'analyse inter-subjective. Le comportement a aussi son discours, sa langue, ses lapsus et ses actes manqués... 

Tout ceci constitue une différence de taille entre la pratique psychanalytique pure et celle de l'approche qui nous concerne ici. L'analyste a la difficile tâche de trouver la bonne distance, et de prémunir sa pensée de la connaissance théorique, qui peut être une puissante source de résistance. Là encore Freud a fait une mise en garde : la plus grande résistance à la psychanalyse, c'est la psychanalyse. Il en va de même de toutes les méthodes de soin par la parole.

Lorsqu'il aborde la séance, l'analyste doit donc retrouver un état d'ignorance, qui n'est ni l'ignorance du crétin ni celle du néophyte. C'est une ignorance adossée à un savoir, lequel savoir ne doit pas troubler l'ignorance en ce qu'elle comporte d'ouverture. Vous me suivez?

Quelle ignorance? Nous parlons ici de celle de l'élève, ouverte, disponible pour acquérir de la connaissance. Quelle connaissance? La connaissance puisée dans cet inconnu que le patient explore en lui-même. Elle viendra peu à peu combler (du mieux possible) l'ignorance de l'analyste quant à la vérité du patient. Et l'ignorance du patient face à lui-même. Tous deux se retrouvent devant une connaissance nouvelle. Quelque chose de neuf est advenu chez l'un comme chez l'autre : co-naissance.

À partir de ce moment, la connaissance de la métapsychologie, et l'expérience de l'analyste peuvent entrer en jeu. Jusque-là, le praticien s'est efforcé de laisser la théorie dans sa besace, dans laquelle il s'est retenu d'y plonger la main trop tôt, pour ne pas entraver la marche en avant. Car le but d'une analyse n'est pas de coller à une théorie qui la corrobore. Le but, c'est l'équilibre, le goût de vivre. 

Chaque analyse est surprenante, et aucune connaissance théorique ne vient pas à bout des mystères de l'être. Nous cheminons ensemble, sur le fil du sensible, vers une vérité qui ne nous livrera jamais tous ses secrets. Qu'il serait désespérant de tout savoir sur tout.

à suivre, si vous voulez bien me suivre...

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